Patron, plan de structure, encre sur papier,
100 x 200 cm

En 1998, lors d’une exposition dans le sud-ouest de la France, une personne s’est penchée sur mon travail de façon vraiment honnête, sans aucune complaisance. A l’époque, je m’efforçais de traduire une réalité figurative et son analyse, qui projetait de l’ambition en art, m’a véritablement ébranlé. Convaincu par l’exactitude de ses propos, je suis rentré avec la ferme intention de voir à plus long terme et de trouver une voie plus juste. J’ai donc cherché des fondations plus solides pour ce qui formerait la base de mon travail. En adoptant un certain nombre de contraintes simultanées j’ai découvert de multiples possibilités chacune gouvernée par sa propre logique.

Si je considère la combinaison des contraintes comme un point d’entrée, les sculptures qui en découlent en constituent l’issue. Ces points d’entrée – qui sont innombrables – me permettent d’examiner les différents ensembles de résultats dictés par le respect de cette discipline. Le plus fascinant de mon point de vue sont les similitudes et les différences intrinsèques aux sculptures

Les résultats sont autonomes mais appartiennent également à un tout malgré les modifications de la trajectoire de la ligne. Les sculptures sont différentes et pourtant adhèrent au même schéma logique. Les contraintes et les résultats sont interdépendants et mon but est de pousser cette relation à ses limites extrêmes.

Ce sur quoi je me concentre dans mes expériences sont les lignes qui constituent un angle droit. J’ai alors le choix de travailler avec un carré ou un rectangle, chacun se comportant et évoluant de manière différente. La ligne devient alors une représentation de quelque chose de fondamental. Elle est capable de donner à la sculpture une dimension surhumaine, au sens où elle suggère les lois générales de l’esprit humain. L’issue dont je parlais plus haut, c’est l’organisation parfaite, la répartition des porte-à-faux de la ligne, la cohésion de la masse et du vide interstitiel. La ligne est primaire et fondamentale.

Olivier de Coux – janvier 2014

Même dans ses oeuvres de taille modeste, Olivier de Coux atteint à une dimension architecturale qui renvoie aux grandes constructions médiévales bien plus qu’à l’acier des édifices postmodernes. Pourtant, l’angle droit, les sections carrées et le trait inflexiblement rectiligne ont bien peu à voir, en première lecture, avec l’arc roman ou avec l’ogive gothique. Cependant, à bien vouloir prendre le temps de l’observation et de la réflexion, il y est question, dans un cas comme dans l’autre, de contraintes, de saturation et de dissolution.

Laissons la parole à Olivier de Coux : « exploiter les multiples possibilités offertes par une ligne qui se développe dans la contrainte d’un espace déterminé. » N’estce pas l’expression du travail de base de l’architecte que de construire un espace, de le développer et de le structurer en donnant l’illusion de s’affranchir des contraintes des lois de la physique ? On peut y voir, aussi, un parallèle avec les travaux littéraires de Perec et des Oulipiens qui ne conquirent une liberté, apparemment sans brides, qu’au prix de la soumission spontanée à un jeu de contraintes extrêmes. On y perçoit aussi un écho lointain de la pensée augustinienne qui ne peut envisager la liberté sans l’existence de contraintes. Le bâtisseur de cathédrales, tout comme celui de la modeste chapelle romane, intègre les dures lois de la pesanteur mais il sait les transcender et en faire un moyen pour mettre en avant l’élancement, le vide, l’absence… On en vient à oublier les contraintes de la gravité. Ses contraintes, il ne les dicte pas – elles lui sont imposées par la physique –, mais il les défie et réussit à les faire oublier, à s’en faire un allié, au point de faire croire, parfois, au miracle. (…)

De Coux subit et intègre, lui aussi, les lois de la gravitation, mais il les trouve insuffisantes pour l’aiguillonner. Il s’en impose donc d’autres pour nourrir et stimuler sa créativité : sections carrées uniques, angles droits, rapports prédéterminés des longueurs des segments, inscription dans un espace virtuel prédéfini, giration… Le miracle est que ces contraintes ne se perçoivent pas immédiatement quand on observe l’objet fini, pas plus que le nom de Newton s’impose au fidèle qui se recueille dans la nef d’une cathédrale. On suit les lignes du regard, on imagine leur continuité au-delà de l’espace dans lequel elles s’inscrivent. Elles imposent au spectateur de s’évader de leur réalité concrète, de leur présence immédiate, pour les interpoler ad infinitum. On est finalement assez proche, chez de Coux, des modèles génétiques, tel celui des fractales, où quelques règles prédéfinies, imposées à une cellule de base, déterminen Save t les règles d’un développement que seules les contraintes d’une enveloppe extérieure limitent. On pourrait donc affirmer sans risque d’erreur que chacune des sculptures d’Olivier de Coux est autosimilaire. (…)

Olivier de Coux déclare, parlant de son travail : « Des plans imaginaires s’opposent à l’évolution et la ligne emprunte le seul trajet logique possible afin d’occuper le volume laissé praticable. » Sa démarche vise à investir un espace prédéfini et à le saturer, jusqu’à ce que plus rien ne soit possible sans violer les règles pré-imposées ni sortir des plans virtuels qui en constituent les limites intangibles. On est proche ici, dans une transcription dans l’espace tridimensionnel, de la technique du all-over des peintres qui éliminent la question des limites du champ – ici de l’espace – en investissant la totalité du champ pictural pour le faire se prolonger au-delà de ses bords. Cette saturation laisse cependant une ample place aux vides. Elle donne au spectateur le loisir de prendre conscience des espaces interstitiels, de s’en imprégner et d’en prendre possession par l’esprit, comme Paulhan le soulignait : « Tel est l’esprit humain, même en voyage : il occupe à chaque instant du voyage, du vagabondage, s’impose avec insistance. L’oeil, en effet, est incité à suivre les lignes, à découvrir leurs multiples paradoxes, notamment quand, comme un ruban de Möbius, elles reviennent sur leur point de départ sans avoir épuisé toutes les possibilités. On refait alors avec plaisir le
même trajet, découvrant de nouveaux points de vue, des perspectives insoupçonnées. L’envie de substituer le doigt ou la main à l’oeil se manifeste alors avec force. La répétition du même geste du regard ou de la main peut alors relever de la démarche possessive, répétitive et obsessionnelle du désir amoureux, comme Proust le constatait avec pertinence : « Pour posséder, il faut avoir désiré. Nous ne possédons une ligne, une surface, un volume que si notre amour l’occupe. » (…) La saturation dont il est question, ici, est tout d’abord celle de la logique mathématique, à savoir le caractère d’un système axiomatique auquel on ne peut adjoindre un nouvel axiome indépendant des autres sans provoquer la contradiction dans la théorie. Remplaçons le terme axiome par celui de contrainte ou de règle et nous avons une définition assez exacte de la démarche d’Olivier de Coux. Chacune de ses oeuvres pousse à l’extrême les contraintes qu’il s’est imposées, jusqu’à buter sur leur limite, point déterminant alors la complétude de la composition. Mais on peut aussi prendre ce terme dans son acception linguistique, lorsque l’on parle de la saturation d’un corpus : état d’un corpus tel que son dépouillement n’apporte plus d’informations nouvelles. Les sculptures d’Olivier de Coux sont « saturées » au sens linguistique, dans la mesure où, quand on a fini d’en prendre connaissance, le besoin s’impose de passer à une autre oeuvre… Quitte à revenir, comme l’amoureux obsessionnel, à la première oeuvre quand on pense avoir épuisé la série… Tel l’amoureux volage qui, dans chaque conquête recherche l’essence de la femme idéale et inaccessible, le spectateur des sculptures d’Olivier de Coux va de l’une à l’autre, jouissant de leurs différences, mais s’imprégnant progressivement de leur essence commune, jusqu’à atteindre cet état de saturation où chacune des oeuvres vaut pour toute la série, comme un prototype matriciel qui contient en germe toutes les potentialités des autres.

Si les colonnes et les arcatures gothiques peuvent se dissoudre dans l’image de la futaie primitive, les sculptures d’Olivier de Coux ont, elles aussi, la capacité de se dissoudre dans quelque chose de plus vaste, de plus universel. Il y a ici, de façon assez paradoxale, une vision très romantique de l’oeuvre d’art. (…) On y trouve, qu’on le veuille ou non, un écho à l’expression du désir inassouvi que le Faust de Goethe exprime avec tant d’intensité, ravivant un rêve ou un phantasme aussi vieux que la légende de Pygmalion et Galatée : Ne devrais-je pas, par la force de mon désir, Ramener à la vie l’unique figure ? Sans tomber dans l’excès de Benjamin qui ne voyait la fin de la critique esthétique que dans la dissolution de l’œuvre, la volonté de fusion de l’œuvre dans son environnement est centrale dans la démarche d’Olivier de Coux. Ce n’est pas que sa sculpture se veuille utilitaire, décorative ou fonctionnelle. Elle ne satisfait à aucune de ces caractéristiques.
La volonté de dissolution de la forme ne répond à aucun besoin contingent. Elle est gratuite, mais indispensable, inscrivant la création artistique dans un être qui récuse l’existant, elle s’oppose à lui, en une approche ontologique que ni Husserl ni Heidegger ne renieraient…
Mais ceci est une autre histoire…

Olivier de Coux - 3DA

3AD, 2011, zinc, 90×90 cm

Olivier de Coux - Variations et Contraintes

AD4, 2015, Variarions et contraintes, acier Corten,
126x160x169 cm

Olivier de Coux - Résultat

Résultat, 2011, acier inox

Expositions personnelles

2019 : Jardins du château de Fougères
2016 : Legé, Bibliothèque municipale
2014 : Château du Bosc, Domazan
2011 : Atelier Dartois, Bordeaux
2008 : Galerie du Haut Pavé, Paris
2002 : Galerie de l’Atelier de Sèvres

Expositions collectives

2007 : MAC 2007, Paris Jardin des Arts, Chateaubourg
2006 : MAC 2006, Paris Centre international d’Art Contemporain, Pont-Aven
2005 : 4e Printemps de la Sculpture, Chantilly
2004 : Musée Manoli, La Richardais Galerie Ikkon, Rennes
2002-2004 : Élaboration du dispositif Formatage 341
2001 : Galerie des Arts, Pennes-d’Agenais
1999 : 4e Festival d’Art de Saint-Briac-sur-mer Galerie des Urbanistes, Fougères
1997 : Galerie Ikkon, Rennes
1996 : Galerie du Placard – Projet de Gilles Mahé, Saint-Briac-sur-mer
1994 : Galerie Ikkon, Rennes

Expérience professionnelle

2005 : Installation de l’exposition du collectif de graphistes H5, Paris
2003 : Intervention publicitaire Spot TV : Honda cog
2000-2001 : Enseignant à l’Atelier de Sèvres, Paris Section croquis extérieurs (Palais de Justice de Paris)
1998-2000 : Enseignant à l’Institut Supérieur des Arts Appliqués, Rennes Création de la section volume
Section croquis extérieurs (Hôpital psychiatrique de Rennes)
1995-2000 : Disposition d’un atelier de la ville de Rennes